Fatima Beddar, symbole oublié des massacres du 17 octobre 1961 à Paris

 

Une enfant de quinze ans, victime de la répression policière contre la manifestation algérienne

 

Le 17 octobre 1961 reste gravé dans les mémoires comme l’une des pages les plus sombres de l’histoire de France. Ce soir-là, la police parisienne a réprimé dans le sang une manifestation pacifique organisée par des Algériens protestataires contre un couvre-feu discriminatoire. Parmi les victimes de cette tragédie, figure le nom de Fatima Beddar, une lycéenne de quinze ans qui allait devenir la plus jeune martyre de ces massacres oubliés.

 

Une vie promise, une vie interrompue

Fatima Beddar était une élève du collège commercial et industriel féminin de Stains. Comme des milliers d’Algériens résidant en France, elle avait décidé de participer à cette manifestation pacifique qui devait exprimer l’opposition à des mesures coercitives jugées injustes. Ce choix, acte de civisme et de courage pour une adolescente, lui coûtera la vie. Arrêtée par les forces de l’ordre, battue et torturée, Fatima sera assassinée, puis son corps sera jeté dans la Seine, comme tant d’autres victimes de cette répression brutale.

 

L’attente insoutenable et la découverte macabre

 

Après la disparition de Fatima, ses parents se lancèrent dans une quête désespérée. Chaque matin, son père parcourait les rues de Paris dès l’aube, le cœur rongé par l’angoisse et la douleur. Sa mère, elle aussi, sillonnait inlassablement les trajets habituels de sa fille, espérant contre tout espoir la retrouver vivante. Quatorze jours d’incertitude et de souffrance s’écouleront avant que le père ne revienne avec deux objets poignants : le cartable de Fatima et sa montre, retrouvés sur les rives du canal.

C’est le 31 octobre 1961, exactement deux semaines après sa mort, que des ouvriers chargés du nettoyage des écluses du canal Saint-Denis firent une découverte macabre : le corps de Fatima, accroché à la grille métallique, serrant toujours son cartable contre elle. La jeune fille n’avait jamais eu la chance de grandir, d’étudier, de réaliser ses rêves d’adolescente.

Une mémoire enfin restituée

Pendant plus de quarante ans, Fatima Beddar demeurera une victime anonyme parmi tant d’autres. Ce n’est qu’en 2006 que sa dépouille mortelle a pu être rapatriée à Béjaïa, sa ville natale en Algérie, afin de recevoir une sépulture digne. Son frère, Djoudi, en hommage à sa mémoire et pour préserver l’histoire de sa cadette, a offert le cartable emblématique au Musée du moudjahid de Béjaïa, où il demeure un témoignage poignant de la tragédie du 17 octobre 1961.

Un devoir de mémoire

Le destin de Fatima Beddar incarne les drames humains occultés de cette période sombre. Elle représente non seulement une victime des massacres de 1961, mais aussi le symbole de tous ces jeunes dont les vies ont été fauchées par la violence institutionnelle. Son histoire mérite d’être connue, transmise et honorée, car elle rappelle les dangers de l’oubli historique et l’impérative nécessité du devoir de mémoire.

Sara Boueche

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