C’est peu dire qu’il y avait de l’électricité dans l’air entre les deux leaders. L’Américain Joe Biden et le Russe Vladimir Poutine ont choisi mercredi, pour leur première rencontre (3h30) à Genève (Suisse), d’apaiser les tensions. « Il n’y avait aucune animosité. C’était une discussion franche et directe », a estimé le président russe, qui s’était fait traiter de « tueur » en mars par son homologue de 78 ans. Cette fois, Biden a préféré le qualifier de « dur » et d’« intelligent », tout en assurant qu’il n’avait nullement l’intention de lui faire « confiance ». Il l’a mis en garde contre les cyberattaques venues de Russie contre les intérêts américains, ou le sort de l’opposant politique Alexeï Navalny. Seule décision concrète de ce réchauffement à feu très doux : le retour des ambassadeurs, rappelés dans leur capitale respective il y a deux mois.
Soixante ans plus tôt, en juin 1961 à Vienne, là aussi en terrain neutre, se déroulait la première entrevue entre l’Américain JFK et Nikita Khrouchtchev, le successeur de Staline. Un véritable bras de fer personnel et diplomatique au plus fort de la guerre froide.
Les conseillers de la Maison Blanche ont vainement mis en garde le jeune président, trop pressé de rencontrer Nikita Khrouchtchev et d’étrenner ses galons de chef du monde libre : « Attention, le patron de l’URSS est plus expérimenté, très rusé… », l’avaient-ils prévenu, flairant le possible piège. John Fitzgerald Kennedy n’a écouté que son instinct, et son frère Bobby, avec lequel il a préparé le sommet dans le plus grand secret. Mais préparé, l’est-il vraiment ?
Kennedy acclamé comme une star
Quand son avion en provenance de France – où il a rencontré le général de Gaulle – atterrit à Vienne le 3 juin 1961, le wonderboy de la politique américaine n’a passé que quatre mois à la Maison-Blanche. À peine le temps d’installer son administration. Mais il mesure déjà la force de l’attrait qu’il exerce sur les foules. Sur le trajet de l’aéroport, flanqué de sa femme Jackie, le sémillant quadra au sourire hollywoodien est acclamé comme une star. Les frissons que suscite l’arrivée de Khrouchtchev dans la capitale autrichienne sont d’une autre nature. En débarquant sur le quai de la gare, après un long voyage en train depuis Moscou, l’Ukrainien, aussi rondouillard que l’Américain est athlétique, affiche une mine renfrognée. Mâchoires serrées, comme s’il s’apprêtait à monter sur le ring sous l’œil des 1 500 journalistes dépêchés.
Il ne faut d’ailleurs jamais se fier à l’air parfois débonnaire de « Monsieur K » : la cruauté est toujours prête à bondir, aussi vive que dans les années 1930, lorsqu’il expédiait ses ex-amis au peloton d’exécution pendant les purges staliniennes. En 1956, trois ans après lui avoir succédé, n’avait-il pas dénoncé ses crimes avant d’envoyer ses chars écraser le soulèvement de Budapest ? Pour cette première rencontre, il entend ne faire qu’une bouchée de ce « président inexpérimenté, presque immature », qui a l’âge d’être « son fils », plaisante-t-il dédaigneusement auprès de sa suite. Il sera de toute façon moins coriace que le vieil « Ike » Eisenhower, grand ordonnateur du D-Day en Normandie, anticommuniste jusqu’à la paranoïa.
En outre, Khrouchtchev est venu à Vienne avec deux atouts dans sa manche : l’expédition menée deux mois plus tôt par des exilés cubains dans la baie des Cochons a viré au fiasco. Même s’il n’avait soutenu qu’à contrecœur ce plan d’invasion piloté par la CIA pour renverser Fidel Castro, c’est une humiliation pour le « rookie » Kennedy. Pour ne rien arranger, ce même mois d’avril a vu l’URSS marquer un point décisif dans la course aux étoiles en envoyant pour la première fois un homme, Youri Gagarine, dans l’espace.
(SELON MSN)