En Afghanistan, les autorités talibanes imposent une coupure des télécommunications à l’échelle nationale

Le pays passe, mardi, une deuxième journée sans Internet ni téléphone mobile, après que les autorités talibanes ont coupé les connexions par fibre optique, afin de « prévenir le vice », selon le monde fr.

 

Ni Internet ni téléphone mobile : les autorités talibanes ont imposé, lundi 29 septembre, une coupure nationale des communications, quelques semaines après avoir commencé à couper les connexions par fibre optique afin de « prévenir le vice ».

C’est la première fois que les communications sont coupées dans le pays depuis le retour au pouvoir des talibans, en 2021, qui ont instauré de nombreuses restrictions, conformément à leur interprétation de la loi islamique.

Les vols internationaux à destination de l’Afghanistan ont été annulés mardi, selon le site Flightradar24, qui suit le trafic aérien dans le monde. Des sources diplomatiques ont rapporté à l’AFP que les réseaux mobiles étaient pour la plupart hors service, tandis qu’une source travaillant pour les Nations unies a évoqué des opérations « gravement perturbées » et expliqué se « rabattre sur les communications radio et des liaisons satellites limitées ».

Lundi soir, le signal des téléphones portables et Internet se sont progressivement affaiblis jusqu’à ce que la connectivité soit inférieure à 1 % des niveaux habituels, selon l’observatoire NetBlocks, qui contrôle la cybersécurité et la gouvernance d’Internet. L’Agence France-Presse (AFP) a perdu tout contact avec son bureau dans la capitale Kaboul, lundi vers 17 h 45 (15 h 15 à Paris).

Quelques minutes avant la coupure, un responsable gouvernemental a déclaré à l’AFP qu’elle durerait « jusqu’à nouvel ordre ». Les communications « vont être coupées, cela se fera progressivement cette nuit, de 8 000 à 9 000 pylônes de télécommunications seront mis hors service », a-t-il déclaré sous couvert d’anonymat. « Il n’y a aucun autre moyen ou système pour communiquer (…) : le secteur bancaire, les douanes, tout le pays sera affecté », a ajouté le responsable.

Coupure progressive

Ces dernières semaines, les connexions Internet ont été extrêmement lentes ou intermittentes. Les autorités talibanes en Afghanistan ont commencé à restreindre l’accès à Internet au début du mois, coupant les connexions dans plusieurs provinces. Cette mesure, ordonnée par le chef suprême des talibans, Haibatullah Akhundzada, a notamment mis fin à l’Internet haut débit dans plusieurs régions.

Les services téléphoniques sont souvent acheminés via Internet, partageant les mêmes lignes à fibre optique, en particulier dans les pays où les infrastructures de télécommunications sont limitées.

Le 16 septembre, Attaullah Zaid, le porte-parole de la province de Balkh (Nord), avait annoncé l’interdiction complète de l’Internet par fibre optique sur ce territoire. « Cette mesure a été prise pour prévenir le vice, et d’autres mesures seront mises en place dans tout le pays pour répondre aux besoins en matière de connectivité », avait-il écrit sur les réseaux sociaux.

A l’époque, les correspondants de l’AFP avaient signalé les mêmes restrictions dans les provinces de Badakhchan et de Takhar (Nord) ainsi que dans celles de Kandahar, de Helmand, de Nangarhar et d’Oruzgan (Sud).

 

Ces coupures avaient déjà suscité des inquiétudes sur la paralysie des moyens d’information. « Interdire l’accès à Internet haut débit constitue une escalade de la censure sans précédent qui portera atteinte au travail des journalistes et au droit du public à l’information », avait déclaré à la mi-septembre Beh Lih Yi, directeur régional du Comité pour la protection des journalistes.

Ce blocage prive aussi les Afghanes de leur « rare fenêtre sur le monde extérieur », s’inquiète Macarena Saez, de Human Rights Watch, soulignant que des dispositifs informels de cours en ligne et de travail à distance permettaient à une partie d’entre elles de contourner l’interdiction d’étudier au-delà du primaire et de travailler.

 « Un moyen de libérer les femmes »

« Les régimes conservateurs voient Internet comme un moyen de libérer les femmes, ce qui à leurs yeux est une très mauvaise chose. Mais ils y voient aussi un accès à une multitude d’informations qu’ils préféreraient cacher », a expliqué à l’AFP le militant des droits numériques, Usama Khilji.

« Cela permet aussi de créer de nombreux liens entre les gens, de se rencontrer, de former de nouvelles communautés et de nouer des amitiés : cela pourrait aussi contrevenir à la vision très stricte des talibans, a-t-il ajouté. Et les citoyens ordinaires utilisent les réseaux sociaux pour critiquer et dénoncer les agissements du gouvernement. »

Si l’économie afghane reste essentiellement agricole, la coupure pourrait aussi paralyser une partie du tissu économique dans les villes. « De nombreux jeunes, victimes du chômage, utilisent Internet pour proposer leurs services en freelance (…). Les petites entreprises communiquent avec leurs clients via Internet, ou proposent des services comme des VTC ou la livraison de repas », observe Usama Khilji.

La fibre optique est la technologie la plus répandue en Afghanistan : en 2024, Kaboul avait d’ailleurs présenté la fibre, déployée à partir des années 2000 par les précédentes autorités et couvrant aujourd’hui 9 350 km, comme une « priorité » pour « sortir le pays de la pauvreté ».

Le système bancaire pourrait également être affecté : signe d’un essor relatif des services financiers, le nombre de distributeurs automatiques de billets dans le pays a triplé sur un an en 2024 pour atteindre 274 appareils, selon la Banque mondiale.

 

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