Confiné au printemps avec sa famille dans sa ferme du Sussex, l’ex-Beatles a enregistré un nouvel album en solo, « McCartney III ». Intimiste et bucolique.
Son inspiration, son inventivité et son sens de la mélodie entêtante sont un miracle. À 78 ans, Paul McCartney continue de travailler avec une apparente facilité. Ce qui lui permet de sortir deux albums en quelques mois : la version remastérisée de son album de 1977, Flaming Pie, agrémenté de faces B de toute beauté ; et ce vendredi, McCartney III, qu’il a enregistré dans sa ferme de Peasmarsh (Sussex) à la faveur du confinement. La pochette conçue par l’artiste Ed Ruscha représente un dé tenant en équilibre sur le trois. Neuf semaines à son rythme, selon sa « fantaisie », et un total de onze titres intimistes où domine sa voix rauque et sur lesquels il est au piano, aux guitares, acoustique et électrique, à la basse et à la batterie. Du grand art dans la simplicité, le dépouillement par un homme-orchestre qui mêle chansons anciennes et nouvelles.
Contraint d’annuler sa tournée au printemps dernier, l’ex-bassiste des Beatles en a profité pour mettre un peu d’ordre dans les centaines de chansons, de maquettes qui n’ont jamais vu le jour. « Au fil des ans j’ai travaillé sur certaines choses, mais parfois le temps me manquait et je les laissais à moitié finies », déclare-t-il, soucieux de compléter ce travail inachevé. « Je faisais de la musique pour moi-même […] J’ai donc fait les choses que j’avais envie de faire », affirmant n’avoir « aucune idée que cela finirait en album ».
Dès l’ouverture, « Long Tailed Winter Bird », chanté avec une guitare solo, McCartney donne le ton général d’un album très personnel et livré tel quel, sans fioritures. La veine est poétique, bucolique, avec des échappées instrumentales et des ballades aux belles lignes mélodiques comme le mélancolique « Deep, Deep Feeling », chanté et joué au piano, le dépouillé « The Kiss of Venus »ou la ritournelle champêtre « When Winter Comes » où les poules et autres animaux de la ferme sont de la partie. Avec lui, tout semble fluide, léger, comme si ce travail en solo lui donnait des ailes et le goût de l’aventure.
Ce McCartney III est la troisième partie d’un triptyque, après le premier, intitulé McCartney, qui avait vu le jour en 1970, suivi d’un deuxième, paru en 1980. L’année de la séparation des Beatles, l’ex-bassiste a 28 ans et il décide de marquer le coup en enregistrant seul, dans le salon de son appartement londonien, quelques chansons. Avec pour tout matériel un micro et un magnétophone quatre pistes. L’album s’intitule tout simplement McCartney. Comme il se doit, il joue tous les instruments et a récupéré quelques pépites, « Maybe I’m Amazed », « Every Night » et le titre « Junk », composé en Inde, en 1968, mais qui ne figure pas dans l’album blanc. On y voit un pied de nez à John Lennon qui l’a écarté. Furieux aussi de voir Paul se relever très vite de cette séparation des Beatles, lui qui sortira Imagine un an plus tard.
En mai 1980, avec la fin de l’aventure des Wings, Paul sort McCartney II, nouvel album solo sur lequel il joue une fois encore tous les instruments, et notamment les synthétiseurs. Le tout a été enregistré en six semaines dans sa ferme de Peasmarsh (East Sussex) et dans sa ferme écossaise High Park Farm, qui lui a inspiré les chansons « The Long and Winding Road » et « Mull of Kintyre ». En forme, Macca signe d’autres pépites comme l’acoustique « One of These Days »et, surtout, le tubesque « Coming Up » en s’inspirant, dit-il, des Talking Heads.
Aujourd’hui, ce McCartney III est dans la lignée directe des précédents, né au cours de séances de travail miraculeusement reprises aujourd’hui. Cette fois, c’est Mary, le bébé de la pochette du premier opus, qui signe les photos de la pochette intérieure. Sans doute une façon pour sir Paul de nous dire que la boucle est bouclée avec ce triptyque, son 18e album solo, après Egypt Station qui l’avait propulsé en 2018 en tête du classement des ventes du Billboard pour la première fois en 36 ans. Qui fait mieux ?