ORAN : Autisme Le déni parental, obstacle majeur dans la prise en charge

Les parents constituent un partenaire indispensable dans la prise en charge du trouble du spectre de l’autisme, au moment où le déni chez une partie d’entre eux représente un véritable obstacle dans ce processus de développement de l’enfant souffrant de ce trouble, s’accordent à dire des spécialistes.

Au service de pédopsychiatrie relevant de la polyclinique de Bir El Djir (Est d’Oran) qui gère l’une des rares unités étatiques de prise en charge des autistes dans la région ouest du pays, les spécialistes sont unanimes à considérer que le déni parental représente un « obstacle majeur » dans la prise en charge des enfants autistes.

« L’autisme est un trouble précoce du développement et du fonctionnement cérébral chez l’enfant. Une prise en charge précoce et adaptée de ces cas est un facteur majeur d’évolution positive », relève Romane Yamina, psychologue au niveau de cette unité, ajoutant que le déni parental fait perdre parfois un temps précieux pour le développement de l’enfant.

« Lorsque le diagnostic est posé vers l’âge de deux ans ou bien avant, l’enfant a plus de chance de s’en sortir. Plus le temps s’écoule, plus ces chances se réduisent », note-t-elle encore.

Le résultat du déni face à ce trouble, parfois très lourd à assumer pour les parents, peut pousser certains parents à abandonner le combat et à baisser les bras, avançant des prétextes pour se justifier. « Certains parents estiment que leur enfant souffre d’un retard mental qui passera avec le temps et qu’il s’en remettra avec l’âge », déplore, pour sa part, Saliha Mokahla, une autre psychologue dans le même établissement.

Chaque année, l’unité perd de vue un nombre d’enfants diagnostiqués comme autistes du fait du déni des parents. Les psychologues tentent souvent de travailler avec les parents sur ce déni, avant d’entamer la prise en charge proprement dite de l’enfant.

Nadia est une jeune maman de 25 ans. Elle vient de la wilaya de Relizane. Sa fille, Loudjaine, âgée de trois ans et demi, a été diagnostiquée comme présentant un autisme modéré. Si son déni à elle n’a duré que quelques jours, celui de son conjoint ne semble pas prêt à passer. Sa fille a été diagnostiquée par des spécialistes privés à Oran, lieu de résidence de sa sœur ainée. « Mon époux ne veut rien savoir », confie-t-elle. Il ne cesse de répéter, ajoute-t-elle, que la petite « n’a rien et qu’elle est juste un peu timide, comme il l’a été, lorsqu’il avait son âge ». Ce père multiplie les arguments infondés pour se convaincre et convaincre les autres que sa fille est « normale ».

Face au déni de son mari, Nadia a choisi de se battre toute seule. Pour faire suivre le cas de sa fille auprès d’une psychologue et orthophoniste à Oran, elle passe chaque mois quelques jours chez sa sœur. « La psychologue me donne les directives que je dois suivre tout au long du mois. L’orthophoniste assure ses séances et puis je rentre chez moi », explique-t-elle, ajoutant qu’elle est entièrement impliquée dans la prise en charge de sa fille. « Je me documente beaucoup sur Internet. Il y a beaucoup d’exercices, d’astuces, de méthodes pour améliorer l’apprentissage des enfants TSA », souligne-t-elle.

Lorsque ce trouble est pris en charge à temps, avant l’âge de deux ans, les résultats sont « très bons », affirme, de son côté, le directeur de la polyclinique de Bir El Djir, Wahid Necheniche. « Lorsque les enfants sont pris en charge à temps, ils répondent et évoluent très bien », explique-t-il.

Pour sa part, le chargé de communication de la Direction de la santé et de la population, Youcef Boukhari, observe que la wilaya d’Oran compte plus de 700 autistes scolarisés dans des classes spéciales.

La wilaya d’Oran dispose de deux écoles spécialisées dans la scolarisation des enfants souffrant d’autisme léger ou modéré. Elles comptent chacune six classes qui s’ajoutent à plus d’une quarantaine autres classes ouvertes dans différentes écoles de la wilaya, selon le besoin.

« A chaque fois qu’une école enregistre cinq demandes de scolarisation d’enfants autistes, nous procédons à la création d’une classe spéciale », explique-t-il. Toutefois, la scolarisation de ces enfants est conditionnée par une acquisition du langage, qui n’est garantie que par une prise en charge précoce.

Les spécialistes estiment que la sensibilisation est un maillon important. Dans ce sens, la DSP compte intensifier ses campagnes dans les établissements de Protection Mère Infantile (PMI) pour toucher les parents le plus tôt possible. « Ces derniers doivent être plus attentifs aux comportements de leurs enfants. Le manque d’interaction, l’absence du contact visuel, les mouvements stéréotypés répétitifs sont autant de signes qui doivent alerter les parents, dès les premiers mois de la vie de l’enfant », expliquent-ils, estimant que le déni « est un problème qu’il faut régler très rapidement », si les parents tiennent à sauver leur enfant et à lui donner des chances pour acquérir une autonomie et suivre une scolarisation.

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