Malgré les campagnes de sensibilisation, les dispositifs de contrôle renforcés et l’évolution du cadre législatif, l’imprudence des conducteurs demeure l’un des principaux facteurs de mortalité sur les routes algériennes. Chaque année, des milliers de familles sont frappées par des drames évitables, provoqués par une vitesse excessive, un manque de vigilance, l’usage du téléphone portable au volant ou encore la conduite sous l’effet de la fatigue ou de substances illicites. Ce phénomène, loin d’être anecdotique, représente un véritable danger public qui interpelle l’ensemble de la société.
Les statistiques recueillies auprès des services de sécurité témoignent d’une réalité préoccupante : dans la majorité des accidents mortels, le comportement du conducteur est directement mis en cause. La vitesse excessive arrive en tête des facteurs contributifs, notamment sur les axes rapides et les routes nationales où certains automobilistes transforment leur véhicule en véritable projectile, ignorant les règles les plus élémentaires de prudence. À cela s’ajoute le non-respect des distances de sécurité, un comportement qui entraîne quotidiennement des collisions en chaîne, particulièrement en milieu urbain.
Le téléphone portable représente aujourd’hui un danger majeur. Les forces de l’ordre constatent une hausse constante du nombre de conducteurs en situation de distraction, les yeux rivés sur leurs écrans pour envoyer un message, consulter une notification ou répondre à un appel. Cette pratique, devenue banale, multiplie par quatre les risques d’accident. Les conducteurs reconnaissent eux-mêmes la dangerosité de ce comportement, mais continuent souvent à sous-estimer la fraction de seconde qui suffit pour provoquer un drame.
Un autre facteur aggravant est la conduite sous l’effet de la fatigue. De nombreux accidents de nuit témoignent de l’incapacité de certains conducteurs à évaluer leur état physique, préférant poursuivre leur trajet malgré les signes évidents de somnolence. Le micro-sommeil, phénomène très court mais redoutable, est responsable d’écarts brusques, de sorties de route et de pertes de contrôle fatales. Les professionnels du transport routier sont particulièrement concernés, exposés à des horaires irréguliers et à des distances prolongées qui les poussent à dépasser leurs limites.
Les excès d’assurance, eux, constituent un autre aspect de l’imprudence. Certaines catégories de conducteurs, notamment les jeunes, adoptent une conduite agressive, persuadés de maîtriser leur véhicule quelles que soient les conditions. Dépassements dangereux, zigzags, refus de priorité, non-respect des feux de signalisation… ces comportements traduisent une méconnaissance, voire un mépris, des règles instaurées pour protéger tous les usagers, y compris les piétons, souvent premières victimes de ces conduites irresponsables en zones urbaines.
Face à cette situation, les pouvoirs publics redoublent d’efforts pour endiguer le phénomène. Les campagnes de prévention se multiplient, mettant en avant des témoignages poignants de victimes et de familles endeuillées afin de sensibiliser les conducteurs aux conséquences irréversibles de l’imprudence. Les forces de police et de gendarmerie intensifient leurs contrôles, recourant à de nouveaux moyens technologiques tels que les radars mobiles et les dispositifs de surveillance vidéo pour sanctionner les infractions les plus graves. L’objectif est clair : instaurer une culture du respect du code de la route.
Les spécialistes de la sécurité routière rappellent toutefois que les mesures répressives, aussi nécessaires soient-elles, ne suffisent pas à elles seules. Ils insistent sur l’importance de l’éducation et de la formation, notamment pour les jeunes candidats au permis de conduire. L’apprentissage doit intégrer une dimension citoyenne, mettant l’accent non seulement sur les règles à suivre, mais aussi sur la responsabilité morale du conducteur, qui engage non seulement sa vie, mais aussi celle de ses passagers et des autres usagers de la route.
Les psychologues, de leur côté, soulignent que l’imprudence résulte souvent d’un mélange de facteurs : Stress, hâte, pression sociale, manque de maturité ou besoin de se sentir valorisé. Ce constat appelle à une approche globale qui dépasse la répression, et inclut un travail sur les comportements, les attitudes et les représentations liées à la conduite. Des programmes de sensibilisation ciblés, des simulations d’accidents et des interventions dans les établissements scolaires pourraient contribuer à modifier durablement les mentalités.
La société civile, elle aussi, s’implique de plus en plus dans la lutte contre l’insécurité routière. Des associations organisent des rencontres, des ateliers et des journées d’information pour sensibiliser les jeunes et les familles aux dangers de l’imprudence. Certaines collaborent même avec les services de santé pour accompagner psychologiquement les victimes d’accidents et leurs proches, rappelant que les séquelles ne sont pas seulement physiques, mais également émotionnelles et sociales.
Alors que les accidents de la route causent chaque année un nombre élevé de victimes, il devient essentiel que l’ensemble des acteurs — autorités, conducteurs, éducateurs, médias et société civile — agissent conjointement pour inverser la tendance. L’adoption d’un comportement responsable, respectueux et vigilant doit devenir la règle et non l’exception. Car derrière chaque accident imputable à l’imprudence, il y a une vie brisée, un avenir interrompu, une famille plongée dans la douleur.
L’enjeu n’est pas seulement statistique : il est humain. La route ne pardonne pas l’erreur, et l’imprudence n’est pas un simple manquement, mais un danger réel. Prendre conscience de cette vérité est le premier pas vers une conduite plus sûre et une société où la mobilité ne rime plus avec tragédie.
S.F
