– Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a affirmé que les Algériens attendaient une « reconnaissance totale de tous les crimes » commis par la France coloniale, soulignant que le fait de reconnaître ses crimes est une forme de repentance.
« Les Algériens attendent une reconnaissance totale de tous les crimes » commis par la France coloniale, a indiqué le Président Tebboune dans une interview accordée à l’hebdomadaire français Le Point, relevant que dans l’histoire de la colonisation, il y a eu « trois étapes douloureuses » pour l’Algérie.
Il a cité le « début de la colonisation, avec l’extermination, pendant 40 ans, de tribus entières, des villages entiers décimés et les enfumades. Ensuite, il y a eu la période de la spoliation, quand les terres étaient confisquées aux Algériens pour être distribuées à des Européens ».
Il a, également, cité « l’horreur du 8 mai 1945 avec 45 000 morts et enfin la guerre de libération, quand les Algériens ont pris les armes pour libérer leur pays ».
Le président Tebboune a fait remarquer que « tout cela ne concerne pas la génération du président Macron, ni celle de certains intellectuels français, qui sont irréprochables », relevant toutefois que « reconnaître ces faits est important ». Il s’est ainsi demandé « pourquoi tient-on à la reconnaissance de ce qu’ont subi les Arméniens, les juifs, et ignore-t-on ce qui s’est passé en Algérie? « .
« Ce que nous voulons, c’est une mémoire apaisée, reconnue. Qu’on sorte de cette fable d’Algérie terra nullius où la colonisation aurait apporté la civilisation », a-t-il soutenu, insistant sur le fait que « ce n’est pas la France de Voltaire, la France des Lumières que l’on juge. C’est la France coloniale ».
« Nous n’oublierons d’ailleurs jamais que de nombreux Français ont rejoint le combat des Algériens, et aujourd’hui nous nous inclinons devant leur mémoire », a-t-il relevé.
Pour le Président Tebboune, une fois que le passif est réglé, il permettra « une amitié durable entre les deux nations », rappelant à ce propos que l’ancien Président algérien, « Houari Boumediene avait dit à Giscard (ancien président français) qu’on voulait tourner la page mais sans la déchirer. Et pour ce faire, il faut des actes ».
A une question relative à des « réparations ou des compensations » de la France; concernant entre autres les essais nucléaires effectués dans le Sud algérien et leurs retombées, M. Tebboune a affirmé : « Nous respectons tellement nos morts que la compensation financière serait un rabaissement. Nous ne sommes pas un peuple mendiant, nous sommes un peuple fier et nous vénérons nos martyrs ».
En ce sens, il a demandé à la France de « nettoyer les sites des essais nucléaires », relevant que cette opération est « en bonne voie car aujourd’hui encore, la contamination fait des victimes ».
« Que la France soigne les victimes des essais nucléaires. Le monde s’est mobilisé pour Tchernobyl alors que les essais nucléaires en Algérie provoquent peu de réactions. Ils ont pourtant eu lieu à ciel ouvert et à proximité des populations », a tenu à rappeler le Président Tebboune.
Enchainant sur le rapport Benjamin Stora sur la colonisation, le président de la République a tenu à préciser que « Stora est un historien qui n’a jamais été dans l’excès » et a été « toujours proche de la vérité », précisant qu’ »il a rédigé un rapport destiné à son Président, mais qui ne nous est pas adressé ».
Faisant une comparaison entre les initiatives des anciens présidents français et ce qu’a fait Emmanuel Macron aujourd’hui, M. Tebboune a reconnu que « ce dernier a été le plus loin ».
« Oui, on doit le rappeler et l’écrire. Macron a toute mon estime. C’est le plus éclairé d’entre tous. Les autres présidents avaient tous une histoire avec l’Algérie », a indiqué le président Tebboune, qui s’en est pris à ceux « qui en veulent à la politique de Macron envers l’Algérie, (lesquels) ne représentent qu’une infime minorité ».
« Ils gardent des relais mais sont rejetés par l’opinion française en général, car la plupart des jeunes Français d’aujourd’hui sont moins directement concernés par l’Histoire algérienne », a encore relevé le chef de l’Etat, estimant que si l’Algérie et la France « n’arrivent pas à jeter des passerelles solides entre les deux pays sous la présidence Macron, cela ne se fera jamais, et nos pays garderont toujours une haine mutuelle ».
A une question sur son insistance sur « la reconnaissance plutôt que la repentance », le président Tebboune a répondu : « reconnaître, c’est une forme de repentance ».