À l’instar des grand pays d’Europe et de la Chine, la Turquie a aussi son rendez-vous économique périodique avec les pays Africains, dont l’Algérie, devenue un partenaire important pour Ankara.
Le 3e sommet Turquie-Afrique tenu le 18 décembre à Istanbul. Signe de la dimension de la présence turque dans le continent, une quarantaine de hauts responsables, dont 13 chefs d’Etat et deux Premiers ministres, participent à ce sommet qui porte non seulement sur l’économie, mais aussi sur la coopération sécuritaire et culturelle.
L’intérêt d’Ankara pour l’Afrique répond à un double souci : prendre une longueur d’avance dans un continent pour lequel les spécialistes prévoient de forts taux de croissance à terme, et trouver des débouchés immédiats pour son économie étouffée par une crise qui a fait reculer la valeur de la livre locale de 45% depuis le début de l’année, à fortiori dans une conjoncture de dissensions multiples avec l’Europe et de nombreux pays arabes, notamment l’Egypte et les pays du Golfe.
L’intérêt du président Recep Tayyip Erdogan pour l’Afrique ne date néanmoins pas d’aujourd’hui. Depuis son accession au pouvoir, comme Premier ministre en 2003 puis comme président de la République en 2014, il a effectué 46 visites dans 30 pays, le nombre d’ambassades de Turquie est passé de 12 à 43 et la compagnie Turkish Airlines dessert désormais 61 villes africaines.
Le volume des échanges entre la Turquie et le continent a été multiplié par 5 pendant cette période (5,5 milliards de dollars en 2003 à 25,3 milliards en 2020).
L’Algérie, maillon important de ce rapprochement de la Turquie avec l’Afrique, est représentée au sommet d’Istanbul par le Premier ministre Aymane Benabderrahmane.
Lors de sa visite à Alger en février 2020 –la première d’un chef d’Etat étranger après l’élection de M. Abdelmadjid Tebboune- le président Erdogan avait affirmé que son pays considérait l’Algérie comme « le plus important accès sur le Maghreb et à l’Afrique », ajoutant qu’il comptait beaucoup sur l’Algérie pour le succès du sommet Turquie-Afrique en cours.
Un exemple pour l’Algérie ?
Ces derniers mois, les relations entre les l’Algérie et la Turquie sont excellentes, étant notamment sur la même longueur d’onde vis-à-vis de la crise libyenne.
Contrairement à ce qui se passe avec la France, le passif mémoriel ne se pose pas avec la Turquie en dépit de la longue présence ottomane en Algérie qui a duré plus de trois siècles (1518-1830).
C’est surtout par l’économie que les deux pays ont renforcé leurs liens avec une présence des entreprises turques en Algérie qui a connu une ascension fulgurante depuis la signature d’un traité d’amitié et de coopération en 2006.
On en parle peut-être peu par rapport aux Chinois, mais les Turcs étaient fortement présents dans les marchés de réalisation en Algérie ces deux dernières décennies.
Selon l’agence officielle APS, « les entreprises turques ont réalisé 550 projets d’infrastructures et de logements d’une valeur de 20 milliards de dollars à ce jour (sans préciser la période, Ndlr) en Algérie ».
En 2020, la Turquie a figuré dans le top 10 des principaux fournisseurs de l’Algérie avec près de 1,5 milliard de dollars, loin derrière la Chine (1er, 5,7 milliards USD) et la France (2e, 3,6 milliards USD). Durant la même période, la Turquie a acheté pour 2,1 milliards de dollars de produits algériens, se classant à la 4e position des pays clients de l’Algérie, derrière l’Italie (1er, 34 milliards), la France (2e, 3,2 milliards) et l’Espagne (3e, 2,3 milliards).
Plus de 1 300 entreprises avec des partenaires turcs sont enregistrées en Algérie et, rien que pour l’année 2020, marquée pourtant par la crise sanitaire, plus de 130 sociétés turques ont été créées en Algérie dans différents secteurs, selon la même source.
Si, dans le reste de l’Afrique, la principale critique adressée à la Turquie et de ne pas investir massivement, ce pays est l’un des plus gros investisseurs étrangers en Algérie avec 5 milliards de dollars déjà investis dans la sidérurgie, les produits chimiques, le textile, le médicament et la construction.
Certains des projets concrétisés par les investisseurs turcs sont structurants et participent déjà à la diversification des exportations algériennes, comme le complexe sidérurgique de la société Tosyali à Oran, réalisé pour 1,7 milliard de dollars et qui devrait exporter à la fin de cette année pour 700 millions de dollars.
Une somme importante comparativement au total des exportations algériennes hors hydrocarbures qui devraient atteindre cette année les 4,5 milliards de dollars, contre deux milliards de dollars les années précédentes.
L’Algérie, qui a fixé comme objectif à sa diplomatie de récupérer le terrain perdu en Afrique ces dernières années, pourrait s’inspirer de la stratégie de la Turquie qui a su, en un laps de temps relativement réduit, bousculer sur le continent les anciennes puissances coloniales et la Chine.
R.N