Elles sont si près de nous, et pourtant si distantes. Elles existent tout simplement comme un tout, une sorte de masse sur la toile de fond de la ville. Suspendues au-dessus d’un abîme.
Désœuvrées, elles sont prisonnières du lent écoulement des saisons, n’ayant pas le pouvoir de commander aux secousses de la vie. Une vie qui a refoulé en eux tout élan vers le rêve et les a entrainé hors de l’orbite. Elles s’effacent, elles se cachent, elles souffrent en silence. Et on ne dit jamais qui a suspendu les notes de musique dans leur regard. C’est à peine qu’on remarque la détresse dans leurs yeux. Une détresse aussi aiguë et douloureuse que le mal qui ronge leur corps et leur mental.
Les personnes en situation d’handicap, dans notre société, sont otages d’un système qui les a noyés dans un tourbillon d’écume emportant avec lui leurs maigres illusions. Ballottées et ignorées, elles sont englouties dans un désert de brume. Comment peuvent-elles réhabiliter leur milieu hostile et sombre pour satisfaire leurs ambitions aussi nébuleuses que voraces ? Car même dans les sombres écumes elles s’accordent un rivage et ne veulent plus être des otages.
Leur cri refoulé finira, un jour, par nous étouffer.
Sara Boueche