Le « Maoussem » (saison) de la tonte du cheptel a toujours constitué l’occasion pour les éleveurs dans les contrées de Ghardaïa de le célébrer dans la convivialité et la solidarité, selon des traditions et us jalousement préservées en dépit des mutations de la modernité.
Cet évènement annuel très attendu dans la vie sociale des éleveurs de la wilaya rassemble, dans une ambiance festive et de communion, cette catégorie sociale pour effectuer dans un cadre de « Touiza » (volontariat) l’opération de la tonte du cheptel ovin.
La tonte d’ovins s’effectue annuellement à la fin du printemps et au solstice d’été, avec la participation des éleveurs conviés par groupe à cette opération organisée en plein air sur des sites situés en général dans les lits d’oued de la région, a affirmé à l’APS Ammi Hadj Kada Ould Larbi, éleveur et responsable de l’Union nationale des paysans algériens (UNPA), rencontré lors d’une opération de tonte organisée à Souareg, une localité rurale de Métlili.
La « Touiza » constitue le summum de la solidarité et de l’hospitalité dans notre société et une fortune de notre patrimoine léguée par nos aïeux, a-t-il expliqué fièrement.
Après plus de deux années d’immobilisme à cause de la crise sanitaire du coronavirus, qui a paralysé tous les aspects de la vie sociale et limité les rassemblements, les activités reprennent à la faveur de la levée progressive des restrictions édictées afin de lutter contre la pandémie, a fait remarquer Hadj Kada.
Armés de cisailles, les tondeurs volontaires se mettent à l’œuvre, en fredonnant à haute voix des panégyriques du Prophète Mohamed (QSSL), dans un endroit propre où les animaux, avec une toison bien épaisse après l’engraissement durant la période hivernale, sont rassemblés avant qu’un attrapeur amène l’animal au tondeur pour le débarrasser de son manteau d’hiver (toison).
La tonte est une technique de soin nécessaire et une obligation pour la santé de tout animal laineux, a indiqué Dr. Ishak Ketila, responsable du réseau d’épidémie surveillance de l’inspection vétérinaire de la wilaya, précisant que les ovins risquent de gros problèmes de santé – voire la mort – s’ils ne sont pas tondus régulièrement. En cause, les risques d’hyperthermie et leur difficulté à se déplacer.
La tonte est un acte d’hygiène vétérinaire qui évite l’apparition des parasites externes (poux, tiques) et permet à la peau de respirer et à l’animal de se rafraîchir et régénérer sa toison, a-t-il expliqué.
Durant cette cérémonie de la tonte, l’art culinaire est fortement mis en valeur par différents plats minutieusement préparés par les ménagères pour l’occasion notamment le couscous à la viande ovine, Arfis sans oublié le traditionnel thé à la menthe accompagné par des cacahuètes et du fromage traditionnel du terroir connu sous l’appellation de « Kemaria ».
Une production prévisionnelle de 6.000 qx de laine
Selon les statistiques des services de l’agriculture (DSA) de Ghardaïa, cette opération de tonte touchera cette année près de 326.000 têtes ovines existantes dans les enclos de quelque 3.400 éleveurs de la wilaya.
Une production de près de 6.000 quintaux de laine pure ovine est attendue dans la wilaya au terme de l’opération de tonte qui a débuté le week-end dernier, a déclaré à l’APS Khaled Djebrit, ingénieur en chef chargé des statistiques à la DSA.
En moyenne, chaque ovin produit 1 kg de laine pure, a-t-il dit en signalant que si le tondeur était rémunéré à la bête, le prix de la laine ne pourrait en aucun cas couvrir la rémunération du tondeur.
Cette cérémonie du « Maoussem de la tonte », organisée dans la localité de Souareg, s’est transformée aussi en un forum qui se veut une plateforme visant à réunir les éleveurs de la région avec les responsables de l’agriculture et vétérinaires, pour exposer leurs doléances.
Les éleveurs ont jeté la lumière sur les difficultés dont souffre la filière de la laine au niveau de la région, notamment sa commercialisation et ont également échangé les expériences entre lesprofessionnels en la matière.
Les professionnels de la filière laine déplorent la rareté des débouchés pour leur produit et les revenus tirés de cette activité devenus dérisoires à cause de la concurrence des matériaux bon marché (mousse et coton) servant au même usage, notamment pour le rembourrage de matelas et autres coussins.
Les professionnels regrettent aussi la rareté de la main d’œuvre assurée traditionnellement par les femmes, un labeur manuel faiblement rémunéré et qui prend beaucoup de temps.
Ils ont également soulevé le problème des zones de pâturage, leur dégradation et leur impact sur l’écosystème et les pratiques pastorales, ajouté à cela la sécheresse, le stress hydrique des puits de parcours ainsi que la rareté et la cherté d’aliment de bétail.