Un demi-siècle après Cannes : «Chronique des années de braise » ressuscite l’émotion au Festival d’Annaba

 

L’acteur grec Yorgo Voyagis retrouve l’Algérie pour célébrer le chef-d’œuvre de Mohamed-Lakhdar Hamina

Le 27 septembre 2024, le Théâtre régional Azzedine-Medjoubi d’Annaba a accueilli un événement cinématographique d’envergure dans le cadre du Festival d’Annaba du Film Méditerranéen (FAFM). La projection de la version restaurée de *Chronique des années de braise*, seule Palme d’or algérienne et africaine de l’histoire du Festival de Cannes (1975), a constitué un moment de communion artistique et mémorielle exceptionnel, marqué par la présence de l’acteur grec Yorgo Voyagis.

Un retour chargé d’émotion

À l’âge de 80 ans, Yorgo Voyagis a effectué un pèlerinage artistique vers l’Algérie, cinquante années après avoir incarné le personnage d’Ahmed dans cette œuvre magistrale. Aux côtés de Mohamed-Lakhdar Hamina, qui interprétait le mythique Miloud le fou tout en assumant la réalisation du film, l’acteur grec avait participé à l’une des productions les plus ambitieuses du cinéma algérien post-indépendance.

Visiblement ému par ce retour aux sources, Voyagis a exprimé sa reconnaissance envers « ce pays qui [lui] a offert un voyage dans le temps, jusqu’à [ses] 30 ans ». L’acteur a particulièrement rendu hommage au « génie de Lakhdar Hamina », soulignant la capacité exceptionnelle du réalisateur à « révéler le meilleur de chaque acteur qu’il dirigeait ».

Une œuvre intemporelle restaurée

La restauration technique de cette fresque historique a permis de restituer toute la profondeur visuelle et narrative de ce monument du septième art algérien. L’œuvre retrace avec une intensité dramatique saisissante l’évolution du peuple algérien, depuis les épreuves de la pauvreté rurale et des sécheresses catastrophiques jusqu’à l’éclatement de la Révolution de Novembre 1954, en passant par les bouleversements de la Seconde Guerre mondiale et la rupture des promesses émancipatrices de l’administration coloniale française.

La mise en scène de Hamina, d’une puissance cinématographique remarquable, expose sans fard la violence systémique du système colonial et articule la démonstration historique selon laquelle « il n’y avait pas d’autre voie que celle de la lutte armée pour arracher l’indépendance », finalement obtenue en 1962. L’impact visuel du film demeure intact : la représentation de la souffrance des populations paysannes déplacées, la documentation de la brutalité répressive, mais également l’expression de l’espoir cristallisé dans la séquence finale – cet enfant courant sous les tirs, métaphore puissante de la régénération nationale.

Témoignages croisés et mémoire collective

L’hommage rendu à Yorgo Voyagis s’est enrichi d’une table ronde organisée par les responsables du Festival du film méditerranéen d’Annaba, réunissant artistes et témoins de l’époque. L’acteur algérien Hassan Ben Zerari, qui tenait le rôle du coiffeur dans le film, a partagé ses souvenirs du tournage et évoqué l’exigence professionnelle du cinéaste. Le critique cinématographique Ahmed Bedjaoui a analysé la dimension philosophique du personnage de Miloud, figure du « fou » qui, paradoxalement, incarnait la lucidité et la vérité, catalysant l’éveil de la conscience collective.

Les intervenants, venus d’Algérie, d’Égypte, de Géorgie et d’Italie, ont unanimement reconnu l’audace esthétique et narrative de cette « fresque humaine universelle » qui a marqué durablement l’histoire mondiale du cinéma.

Une réception émotionnelle unanime

À l’issue de la projection, l’assistance s’est spontanément levée pour acclamer Yorgo Voyagis, manifestement bouleversé par cette reconnaissance tardive. Les spectateurs se sont empressés d’immortaliser cette rencontre par des photographies, tandis que l’acteur quittait la salle visiblement ému.

Cinquante ans après son triomphe cannois, *Chronique des années de braise* continue de fédérer les générations et de démontrer que le cinéma, lorsqu’il assume sa fonction de mémoire et de résistance, transcende les époques et conserve une pertinence artistique et politique inaltérable.

Sara Boueche

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