De la gandoura en velours fetla modèle « louchi » aux motifs entrelacés des années 1800, au caftan « El Kadi ksentini » medjboud, vieux de près de 120 ans, l’exposition d’habits traditionnels de la maison Azzi, ouverte au Musée national public des arts et des expressions traditionnelles palais-Ahmed Bey de Constantine, met en lumière le patrimoine vestimentaire identitaire de l’antique Cirta et d’autres régions du pays.
Costumes de famille pour certaines, pièces et acquisitions pour d’autres, ces toilettes de la maison Azzi, véritables œuvres d’art, expriment non seulement le raffinement des femmes, mais relatent également l’histoire d’un labeur, d’une passion et d’un amour de l’artisanat de près de 60 ans dans le domaine de l’habit traditionnel.
« Ces pièces représentent une partie de ma collection d’habits traditionnels constantinois et d’autres régions du pays, et renseignent sur l’évolution de ces toilettes en matière de couture, de tissu et de motifs brodés, tout en les authentifiant », a indiqué à l’APS Fouad Azzi, couturier, styliste et directeur général de la maison Azzi, affirmant que « chaque étoffe est une histoire de raffinement, cultivé par les femmes au fil des ans ».
Et d’ajouter: « J’œuvre à authentifier chaque tenue acquise en me basant sur les livres qui traitent les costumes traditionnels algériens, les anciennes photos, les coupures de presse et tout autre document susceptible de m’éclairer ».
A la recherche de ces œuvres d’art, M. Azzi souligne que souvent, lors de ses déplacements un peu partout à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, il fait une virée chez les antiquaires en quête d’une « petite merveille » et n’hésite pas également à troquer une gandoura en velours medjboud ou fetla neuve pour une autre ancienne.
« Il m’arrive de trouver de vieilles et belles pièces de costumes traditionnels de Constantine ou d’autres régions du pays chez les antiquaires et des fois auprès de clients qui commandent une gandoura ou autre étoffe », a-t-il confié.
En connaisseur des secrets de l’art de confectionner une gandoura fetla ou medjboud, un caftan ou une ghlila, ce couturier styliste relève que la broderie traditionnelle de la gandoura était au début en felta et pas trop chargée. « La coupe de la gandoura traditionnelle de Constantine était caractérisée par kh’ratate (genre de panneaux sur les côtés, ndlr) et ladjyoub (des plis ), car elle était héritée de mère en fille et portée entre les femmes de la famille, indépendamment de la taille et du poids, de plus l’étoffe avait une encolure généralement comme le caftan, ou ronde, et généreusement brodée en fil d’or avec taabek (broderie sous les aisselles), ouach andek fiya (mancheron) et une bordure très légère devant », a-t-il expliqué.
La collection exposée met en valeur une gandoura velours « chaara » (à poils ras) en fetla de couleur violet qui remonte à 1915 et une autre en velours de Gênes de couleur bordeaux de près de 70 ans, parsemées toutes les deux de « âdes » et « kentil » (petites paillettes dorées en forme de lentille et du fil doré en métal très fin et tortillé).
- Azzi relève également qu’en matière de fetla, seul le modèle « louchi » était autrefois « chargé » avec ses motifs géométriques qui couvrent tout le buste, s’entrecroisent et se ramassent pour terminer en une pointe au niveau de la taille et une bordure en bande large horizontale ainsi que des bandes en vertical, délicatement et ingénieusement brodées et qui couvrent pratiquement toute la gandoura.
Des tenues traditionnelles prestigieuses
Concernant ce modèle, l’exposition met en valeur « une pièce prestigieuse » vieille de plus de 150 ans, en velours chaâra de couleur violet, généralement exposée « dans les grandes occasions ».
Au fil des pièces exposées, apparaît caftan El Kadi, littéralement « le caftan du juge », une pièce maîtresse en velours noir, une sorte de robe longue, au col rond et de longues manches, boutonnée des deux côtés, brodée avec des motifs animaux à la technique de medjboud (reproduction des motifs sur du cuir, collés sur le velours et brodés au fil d’or ndlr), âgé de 70 ans et qui n’a rien perdu de sa splendeur.
Caftan El Kadi est le caftan typique de Constantine, appelé caftan El kadi ksenstini dans les autres régions de l’Algérie ou caftan El Kadi dziri dans la région de Fès au Maroc, souligne-t-on.
« La technique du medjboud était au début réservé pour la sellerie avant d’être introduite dans les habits traditionnels, le cas de caftan El Kadi notamment », indique M. Azzi.
L’exposition met aussi en valeur une série d’anciennes ghlila, un corset en velours notamment imprimé ou en brocard ou autre tissu noble, brodé en fetla ou medjboud, de différents types de manches et longueurs diverses dont une à manches détachables.
« La plus ancienne de ces ghlila remonte à 70 ans. Ce sont notamment des acquisitions qui renseignent sur la diversité de ce modèle dont la confection nécessite un savoir-faire singulier que seuls les brodeurs, les couturiers, les rubaniers, les boutonniers et autres artisans en détiennent les secrets », a ajouté le couturier styliste, soulignant que cette étoffe était portée autrefois sur des soirées.
L’exposition des habits traditionnels de la maison Azzi, tenue au Musée national public des arts et des expressions traditionnelles palais-Ahmed Bey de Constantine, est inscrite dans le cadre des activités du mois du patrimoine (18 avril-18 mai).