Massacres du 8 mai 45: Les autorités françaises « toujours pas prêtes » à reconnaitre les crimes

– Le témoin de la Guerre de libération nationale et militant anticolonialiste, Henri Pouillot, a déploré qu’au jour d’aujourd’hui le président de la République et le gouvernement français ne soient « toujours pas prêts » à reconnaitre et condamner tous les crimes d’Etat, de guerre et contre l’humanité commis par la France coloniale en Algérie.

« On voit bien que le président de la République (Emmanuel Macron), le gouvernement, ne sont pas prêts à reconnaitre et condamner tous les crimes d’Etat », a soutenu M. Pouillot, dans un entretien accordé à l’APS, à l’occasion de la commémoration de la Journée nationale de la Mémoire, coïncidant avec le 76eme anniversaire des massacres du 8 mai 1945, citant notamment « les crimes du 8 mai 1945, du 17 octobre 1961, du 8 février 1962, et les crimes de guerre comme l’utilisation du napalm, du gaz Vx et Sarin et les essais nucléaires ».

Il a également cité d’autres « crimes contre l’humanité, tels que les camps d’internement pudiquement appelés camps de regroupement, tortures, exécutions sommaires, ‘crevettes Bigeard' ».

Soutenant ses propos avec une « preuve flagrante », M. Pouillot, avec un langage cru, a souligné à ce titre que « le 26 mars 2021, pour la première fois de l’histoire, une ministre du Gouvernement (français), au nom du président de la République, déposait une gerbe pour honorer, de fait, l’OAS (Organisation de l’Armée secrète), qui porte la terrible responsabilité de la provocation ayant généré le massacre du 26 mars 1962 à la rue d’Isly (actuellement rue Larbi Ben M’hidi) à Alger », a encore soutenu ce militant anticolonialiste.

Dans le même sens, il s’est interrogé pourquoi le pouvoir politique actuel en France n’a pas reconnu « l’assassinat de Larbi Ben M’Hidi, lui aussi torturé, assassiné dans des conditions similaires, par la même équipe du Général Aussaresses? », faisant observer que ce même pouvoir envisageait, à la veille de la commémoration des crimes du 8 mai 1945, de faire de » très petits pas pour esquiver le débat essentiel et ce, après avoir reconnu l’assassinat de Maurice Audin, puis, récemment celui de Ali Boumendjel ».

A une question relative au rapport de l’historien français Benjamin Stora, M. Pouillot a estimé que Stora « répondait à une mission politique du président de la République française », relevant à ce propos qu »’il n’établissait pas une thèse historique sur le passé colonial français en Algérie et la conséquence de cette Guerre de libération nationale ».

« Certes, il y est évoqué les violences, des répressions menées pendant la conquête coloniale, et sa pérennisation, mais l’expression +crime+ est difficile à trouver (dans ce rapport) », a déploré ce militant,  auteur de plusieurs ouvrages sur la colonisation.

 

Réconciliation des Mémoires : appel à cesser la falsification historique

 

Interrogé sur la « lenteur » qu’accuse la réconciliation des Mémoires entre l’Algérie et la France, 76 ans après les crimes du 8 mai 1945, M. Pouillot  a estimé que  « dans le cas précis du 8 mai 1945, ce qui est nécessaire, indispensable, c’est que la falsification historique cesse. »

Il a ainsi rappelé que « le premier tout-petit pas fut prononcé le 8 mai 2005 par l’ambassadeur de France en Algérie et le ministre Michel Barnier en parlant de +tragédie inexcusable+, mais cela reste insuffisant, et le reste encore aujourd’hui », soulignant qu’ »il faut reconnaitre que ces faits sont des crimes commis au nom de la France et qu’ils doivent être condamnés comme tels ».

« Tant que ces mots ne seront pas prononcés, que les responsabilités ne seront pas clairement reconnues, les souffrances de cette mémoire ne peuvent pas s’atténuer », a ajouté M. Pouillot.

Aussi et en sa qualité de témoin de la Guerre de libération nationale, il a estimé que le 8 mai 1945 à Sétif, Guelma, Kherrata représente « le début de la Guerre de libération de l’Algérie ».

« Les témoins que j’avais rencontrés à l’université de Sétif le 8 mai 2005, lors d’un colloque sur le déclenchement de la guerre de Libération nationale, m’avaient expliqué qu’ils avaient participé à cette manifestation parce qu’ils ne pouvaient plus accepter cette humiliation permanente d’être considérés comme des sous-citoyens, alors qu’ils avaient été enrôlés dans l’armée française pour chasser le nazisme », a-t-il témoigné, à son tour.

Il a conclu, en sa qualité de militant anticolonialiste engagé, que ce « mouvement populaire, légitime, si sauvagement réprimé, a, de fait, constitué le ferment permettant au peuple algérien de s’organiser pour obtenir son indépendance et espérer ainsi une vie digne ».

 

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