Tribunal de Sidi M’Hamed: Saïd Bouteflika de nouveau face au juge

Saïd Bouteflika a comparu avant hier, pour la première fois, devant une instance judiciaire civile pour des affaires liées à la corruption. Il a été entendu par un juge d’instruction du pôle spécial au tribunal de Sidi-M’hamed.

Il est un peu plus de neuf heures lorsqu’un convoi de la gendarmerie s’arrête devant la porte arrière du célèbre tribunal d’Alger. Les barrières qui se sont ouvertes pour laisser passer le fourgon et les deux quatre-quatre se referment très rapidement.

Comme aux premières comparutions des anciens chefs de gouvernement et ministres de Bouteflika, l’accès du périmètre est strictement interdit aux citoyens. Le fourgon se rapproche de l’entrée de la bâtisse, les portes s’ouvrent, un détenu s’engouffre dans les couloirs du tribunal, nul ne voit son visage, mais tous connaissent son nom : Saïd Bouteflika. Le fait est considéré comme un évènement. Le frère et ancien conseiller du Président déchu comparaît pour la première fois pour des affaires liées à la corruption.

Au cours de l’été dernier, il avait été officiellement inculpé dans le lourd dossier de l’ancien garde des Sceaux, Tayeb Louh. Cette inculpation lui avait, cependant, été notifiée par un magistrat qui avait lui-même effectué un déplacement à la prison militaire de Blida où séjourne le prévenu depuis le 5 mai 2019. Durant son audition, il avait notamment dû répondre à des questions liées à l’envoi de sms dans lesquels il était demandé à Tayeb Louh de s’intéresser à des dossiers particuliers au niveau de la justice.

Des informations non démenties indiquent que Saïd Bouteflika s’est défendu en affirmant que sa position de conseiller du président de la République faisait de lui un homme extrêmement sollicité et qu’il avait toujours agi pour aider les personnes qui en avaient besoin. L’audition a également porté sur l’affaire de l’annulation du mandat d’arrêt international émis à l’encontre de Chakib Khelil, de son épouse et ses deux fils.

Selon les déclarations de l’ancien secrétaire général du ministère de la Justice (sous mandat de dépôt), le juge et le procureur de la République impliqués dans le dossier, l’annulation de ce mandat d’arrêt s’est effectuée à la demande de la présidence de la République. Sur le sujet, Saïd Bouteflika aurait déclaré qu’il s’agissait d’une décision de Abdelaziz Bouteflika.

Hier, au tribunal de Sidi-M’hamed nul n’était encore en mesure de nous renseigner sur les raisons pour lesquelles avait été amené le prévenu. Sur place, certaines informations faisaient état d’une nouvelle audition dans le même dossier dans lequel il a été inculpé, celui de Tayeb Louh.

La procédure se poursuit en effet à la lumière des derniers éléments auxquels est parvenue l’enquête judiciaire. Les dernières données sont, d’ailleurs, en lien avec l’ancien directeur chargé de la modernisation au niveau du ministère de la Justice.
Arrêté au mois d’octobre dernier, il a été inculpé et placé sous mandat de dépôt par un juge de Sidi-M’hamed chargé d’instruire l’affaire des bracelets électroniques. Il s’agit de la seconde affaire dans laquelle a été inculpé Tayeb Louh.

L’on sait, cependant, que le nom de Saïd Bouteflika a été également cité dans le dossier des frères Kouninef. Un magistrat instructeur avait, là aussi, effectué un déplacement à la prison militaire de Blida pour entendre le prévenu au sujet des relations qu’il entretenait avec les mis en cause et particulièrement Réda Kouninef.

Durant son procès, celui-ci avait déclaré qu’il entretenait des relations « amicales et sans intérêt » avec le conseiller de Abdelaziz Bouteflika. Dans le rapport finalisant l’enquête menée dans le dossier des frères Kouninef, le nom de Saïd Bouteflika était apparu à la tête d’une longue liste de hautes personnalités et anciens ministres avec lesquels les prévenus avaient de nombreux contacts téléphoniques.

Si aucune information ne fait, pour l’heure, état de son inculpation dans ce dossier, il est, par contre, prévu, nous dit-on, qu’il soit entendu par le juge en charge du dossier du moment que ce dernier a entamé officiellement l’instruction de l’affaire impliquant 14 ministres et ex-responsables.

Elle donnera lieu à une ordonnance de renvoi dissociée de celle traitant exclusivement de l’affaire des Kouninef. Citée elle aussi dans le dossier, l’ancienne ministre des Télécommunications, Houda Feraoun, a été inculpée et placée sous mandat de dépôt dans ce cadre. Hier, les spéculations allaient donc bon train autour du tribunal de Sidi-M’hamed. En fin de matinée, Saïd Bouteflika se trouvait toujours au niveau du tribunal. Ce dernier est également appelé à comparaître prochainement dans un nouveau procès, lié, cette fois, à l’affaire pour laquelle il a été incarcéré à la prison militaire de Blida.

La Cour suprême a, en effet, décidé de rouvrir le dossier et d’organiser un nouveau procès qui se déroulera dans le même tribunal (militaire de Blida), mais avec une autre composante.
R. C.

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