L’exposition excessive aux écrans est considérée comme un fléau qui menace la santé mentale, psychologique et physique des enfants. De nombreux spécialistes mettent en garde contre les effets néfastes de ce phénomène émergent.
Le Dr Bettayeb Arslan, du service d’épidémiologie de l’EHU d’Oran, note une large méconnaissance des parents de l’impact désastreux que peut avoir l’exposition excessive aux écrans sur leurs enfants.
« C’est souvent des parents dépassés par le quotidien, qui tombent dans le piège de laisser leurs enfants surexposés aux écrans, pour pouvoir effectuer leurs tâches, avoir un peu de repos, sortir, ou aller travailler », a ajouté cet épidémiologiste, soulignant qu’il s’agit d’un véritable problème, car l’exposition fréquente et excessive se transforme en addiction.
« Beaucoup de parents avec qui j’ai discuté ne semblent pas mesurer l’ampleur du danger, considérant qu’il s’agit juste d’un moyen de distraction pour leurs enfants », a-t-il encore noté.
L’exposition excessive aux écrans ne constitue pas un seul danger, mais un ensemble de dangers, explique pour sa part l’épidémiologiste El Hadi Belarbi, chef de service de prévention à l’EPSP d’Es-Seddikia, qui mène des campagnes de sensibilisation depuis des années.
Le danger diffère d’un âge à un autre, précise ce même spécialiste, soulignant que l’exposition aux écrans avant trois ans comporte des risques de troubles du comportement.
« L’enfant surexposé aux écrans avant l’âge de trois ans, risque de ne pas acquérir les capacités d’interaction avec sa famille et son entourage. En +mode réception+, il sera programmé à recevoir sans rien émettre », explique-t-il encore.
Malika Mokhtari, gérante de la crèche « Les papillons bleus » à Bir El-Djir, reconnait ce comportement, dès l’arrivée des enfants dans son établissement. « Dès les premiers jours de l’arrivée d’un nouvel enfant, j’arrive à deviner s’il est surexposé aux écrans » souligne-t-elle, ajoutant que les enfants qui le sont, sont comme absents, manquent d’interaction, de motivation, et rencontrent des difficultés d’apprentissage ».
Mme Mokhtari mène son enquête auprès des parents et ses doutes sont souvent confirmés. Lorsque les parents sont réceptifs à ses conseils et réduisent l’exposition aux écrans, elle constate la métamorphose de certains enfants, qui retrouvent l’éveil et la curiosité naturelle des enfants qui ne font pas l’objet d’addiction aux écrans.
Dans certains cas, l’arrêt de l’exposition ne suffit pas. Les dégâts sont très importants et le recours à l’aide d’un spécialiste devient indispensable.
Rafik, un père de cinq enfants, a vécu une situation semblable avec sont cadet, âgé aujourd’hui de 7 ans. A l’âge de 5 ans, son fils ne parlait toujours pas et à la veille de sa scolarisation, il s’est vu contraint de le faire suivre chez plusieurs spécialistes pour rattraper son retard.
Un psychologue, un orthophoniste et une crèche spécialisée dans ce genre de cas étaient alors indispensables pour le faire sortir de sa « bulle ».
Il reconnait que son fils était surexposé aux écrans, durant toute la journée chez la nourrice chargée de sa garde, puis à la maison, parce que les deux parents rentraient fatigués d’une longue journée de travail.
« Nous avons payé cher ce choix de facilité, car après des années de suivi chez les spécialistes, mon fils garde encore des séquelles, avec des troubles de l’apprentissage et des difficultés scolaires », déplore-t-il.
D’autres dangers guettent les enfants et les adolescents
Des troubles du sommeil, l’anxiété, le surmenage, l’isolation sociale et même des dépressions nerveuses sont observés chez certains enfants et adolescents surexposés aux écrans, affirme pour sa part le Pr Ammani Moulay Ali, chef de service de psychiatrie au CHU d’Oran.
Nassima, mère de trois enfants a vécu, l’été dernier, un cauchemar avec son fils ainé, Malik, alors âgé de 15 ans, qui a fait une dépression nerveuse à cause des jeux vidéo.
L’histoire de son fils a commencé, une année auparavant, avec un Smartphone comme cadeau, après son succès à l’examen de quatrième année moyenne. La seule occupation de ce jeune adolescent, matin et soir, tournait autour des écrans, des jeux vidéo, les réseaux sociaux, les groupes, entre autres.
La mère, qui était occupée toute la journée dans son travail, fermait les yeux et n’osait pas contrarier son fils lorsqu’elle rentrait. « Je me disais que je confisquerai le téléphone à la rentrée scolaire », confie-t-elle. Hélas, avant que la rentrée n’arrive, Malik a sombré dans une dépression nerveuse, causée par le manque de sommeil et l’anxiété provoqués par une exposition excessive aux écrans.
Malik délirait, agissant comme s’il était dans un jeu vidéo, tirant des coups de feu imaginaires et tapant des points. Il tenait des propos incohérents et un suivi psychiatrique était devenu indispensable, avec un traitement médicamenteux.
Malgré la prise des tranquillisants, le sevrage de cet adolescent a été rude et a nécessité plusieurs semaines, mais le risque de la rechute plane toujours sur toute la famille, qui s’est mobilisée tout l’été à surveiller le jeune Malik, qui risquait de commettre un acte impensable, à n’importe quel moment.
Les risques d’être victime de cybercriminels, d’harcèlement, de détournement, de manipulation, sont les autres dangers auxquels s’exposent les jeunes, qui surfent sur le net, et la vigilance des parents est de mise.
Pour protéger les enfants de tous ces dangers, les spécialistes préconisent de n’exposer les enfants de moins de trois ans à aucun écran et de limiter l’exposition à 30 minutes entre 3 et 5 ans et 2 heures au maximum pour les plus de 7 ans.
Les appareils connectés des enfants doivent êtres soumis à des logiciels de contrôle parental, pour les protégés des sites qui diffusent des contenues inappropriés, et une bonne communication sur tous ces dangers est la meilleure des protections, préconise-t-on.