Production vaccinale : l’Europe veut rattraper et dépasser la Chine

Ne nous y trompons pas, la course à la production de vaccins engagée entre les continents et les grandes puissances dépasse largement le cadre de la lutte contre la pandémie. L’enjeu de la puissance sanitaire est une nouvelle forme de diplomatie et, à ce jeu, la Chine est aujourd’hui la première puissance, devant l’Europe. Les choses ne sont pas figées. Selon le commissaire Thierry Breton, « l’Union européenne devrait devenir le premier producteur de vaccins au cours de l’été ».

Les chiffres actuels sont les suivants : la Chine a produit 875 millions de doses et en a exporté 256 millions. L’Europe a produit 654 millions de doses et en a exporté 329 millions dans le monde (environ 90 pays). Les États-Unis ont produit 438 millions de doses, mais ont refusé très longtemps d’exporter. Ils commencent tout juste (moins de 10 millions de doses). L’Inde, qui passait pour la grande pharmacie du monde, n’a réussi à produire que 292 millions de doses et à en exporter 66 millions. La Russie, aux promesses faramineuses, n’a en réalité que de faibles capacités : 45 millions de doses produites et 15 millions exportées. Le Royaume-Uni a produit 33 millions de doses et a refusé toute exportation. Londres a importé environ 70 % des vaccins nécessaires à sa population.

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Vers une BARDA européenne

« Il faut entre 10 mois et un an pour qu’une production de vaccins parvienne à maturité, estime le commissaire Breton qui annonce qu’au 15 juillet, l’UE aura, à ce moment-là, produit un milliard de doses. Au second semestre de l’année, nous serons capables de fournir un milliard de doses aux États membres, donc largement de quoi soutenir l’injection d’une troisième dose si les variants le nécessitent. »

Cet effort industriel colossal est réalisé par les 55 usines qui se trouvent sur le territoire de l’UE et qui produisent soit les substances des vaccins soit le conditionnement final (« fill and finish »). Un processus complexe puisqu’un vaccin combine entre 300 et 500 composants. Le mérite n’est pas qu’européen, comme le reconnaît le commissaire Breton. « Sur les 5 vaccins que nous avons reconnus, 4 ont été inventés et mis sur pied par des chercheurs et des scientifiques européens et c’est vrai, ensuite, accélérés par l’argent américain qui venait de la BARDA (Biomedical Advanced Research and Development Authority) et qui a permis, en particulier, d’accélérer les essais cliniques qui coûtent très cher. » D’où l’idée, pour contrer les risques de pandémie à venir, de créer une BARDA européenne. C’est l’une des raisons qui ont conduit la Commission à lancer l‘incubateur HERA.

La France parvient à franchir les 700 000 injections par jour

Le rythme des vaccinations en Europe atteint désormais 3 à 4 millions d’injections par jour. La France a réalisé une très belle semaine avec 4 millions d’injections (31 mai/ 5 juin), soit 573 400 par jour (dont le dimanche 6 juin à 191 000). Le pic a été atteint le vendredi 4 juin avec 748 000 injections. Lundi 7 juin, la France affiche 565 000 vaccinations (contre 526 861 le lundi précédent). « À ce rythme, l’UE est en mesure de parvenir à une vaccination de 70 % de la population adulte à la mi-juillet », assure le commissaire Breton.

Le Parlement européen débattra cette semaine, à Strasbourg, de la meilleure stratégie pour parvenir à vacciner le monde entier. Les partis politiques européens se divisent sur les moyens d’y parvenir. À gauche et chez les écologistes, on privilégie la levée des brevets.

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La Commission défend le principe des « licences obligatoires » à l’OMC

À droite, au PPE, on défend la propriété intellectuelle tout en appelant à la modération des prix pour les pays à faibles revenus. « La levée des brevets est un processus long et complexe. Ce que nous devons faire, c’est envoyer de l’aide aux pays pauvres dès maintenant, » estime, pour sa part, Dacian Ciolos, le président du groupe Renew (libéral et macroniste). « La levée des brevets est une fausse bonne idée, conteste pour les conservateurs de l’ECR Geert Bourgeois. Personne n’a réussi à démontrer que la levée des brevets pouvait aboutir à une augmentation de la production et de la vaccination. La production de vaccins est une procédure très complexe ; la production, les contrôles qualité prendront des mois et ne pourraient améliorer la situation en 2021. La solution est liée à une augmentation considérable de notre production et il semblerait que cela se concrétise. »

De toute façon, le Parlement européen n’est pas compétent en la matière. La discussion a lieu au sein de l’OMC. La Commission européenne siège à l’OMC et défend une position qui lui est propre et qui a été exprimée par le commissaire Dombrovskis. Pour la Commission, la solution passe par la levée des limitations à l’export des vaccins et de leurs composants. Le message s’adresse donc à Joe Biden, en retard d’une guerre sur ce plan. Ensuite, la Commission insiste pour focaliser l’effort sur l’augmentation de la production en s’assurant que les coûts ne sont pas exorbitants pour les pays les moins riches.

Sur la propriété intellectuelle, la Commission pousse l’OMC à mettre en ?uvre le principe des « licences obligatoires », un dispositif prévu dans les textes de l’Organisation mondiale du commerce (déclaration de Doha, article 31 f). « Il y a délivrance de licence obligatoire lorsque les pouvoirs publics autorisent un tiers à fabriquer le produit breveté ou à utiliser le procédé breveté sans le consentement du titulaire du brevet. Dans le débat public actuel, ce sont habituellement les produits pharmaceutiques qui sont visés, mais la formule peut s’appliquer aussi aux brevets dans n’importe quel autre domaine », peut-on lire sur le site de l’OMC. Le recours aux licences obligatoires est prévu dans « les situations d’urgence nationale » ou de pratiques anticoncurrencielles. Mais « de toute façon, il faut envisager la rémunération des détenteurs de droit », indiquait Valdis Dombrovskis devant le Parlement européen.

(SELON MSN)

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