Bisphénol A, paracétamol, phtalates… Une étude confirme que les polluants chimiques altèrent la qualité du sperme

C’est une preuve de plus. Une nouvelle étude parue ce jeudi dans la revue scientifique Environment International confirme que les cocktails de polluants chimiques altèrent la qualité du sperme. Ce constat se base notamment sur l’évaluation de «neuf substances chimiques contrôlées conjointement dans des échantillons d’urine de 98 jeunes hommes danois», lit-on dans la restitution du travail mené par Andreas Kortenkamp, de l’université Brunel de Londres, et Hanne Frederiksen, professeure au Rigshospitalet, à Copenhague. Lesquelles ? Les bisphénols (A, F, S) qu’on retrouve dans la fabrication d’équipements électroniques, d’emballages alimentaires, de peinture ou encore de vernis ; les phtalates (DEHP, DnBP, BBzP, DiNP) identifiés dans les emballages de produits ménagers et alimentaires (entre autres), le butylparaben, conservateur utilisé dans certains cosmétiques, et le paracétamol, cet antalgique bien connu.

Résultat : chez les sujets, les mélanges de ces composés chimiques, présents dans de nombreux produits de consommation courante, ont été mesurés à des niveaux alarmants, avec un niveau médian d’exposition presque vingt fois supérieur au seuil de risque. Pour certains individus très exposés, le niveau est apparu 100 fois plus élevé que le seuil acceptable. L’étude fait aussi mention des dioxines polychlorées comme vecteur notable de risques. Autant de polluants tapis dans des produits du quotidien, et accusés de jouer un rôle central dans le déclin de la fertilité masculine, fléau de santé publique qui s’aggrave en continu depuis cinquante ans.

«Ces substances sont connues pour être des reprotoxiques [phénomène de toxicité pouvant altérer la fertilité, ndlr] avérés ou potentiels», rappelle Robert Barouki, chercheur en toxicologie environnementale et membre du comité de recherche de la Fondation pour la recherche médicale. Selon lui, la véritable originalité de cette étude repose surtout sur «la hiérarchisation des substances et le fait de savoir lesquelles ont la plus grande contribution à l’effet cocktail». Car toutes ne sont pas égales.

«Déclin significatif de la santé reproductive masculine»

Justement, d’après les scientifiques, le bisphénol A «apporte une très forte contribution» au risque, sans que son élimination de l’équation ne réduise «les expositions combinées à des niveaux acceptables»«Le paracétamol est également un facteur de risque de mélange chez les sujets utilisant le médicament», ajoutent-ils. «On aurait pu penser que les phtalates étaient des facteurs importants, mais leur effet, ici, est plus faible», souligne Robert Barouki. Des expositions qui peuvent également avoir une incidence sur la fertilité future de l’enfant à naître.

En 2017 déjà, une vaste référence coordonnée par Shanna Swan, ponte mondialement reconnue de l’épidémiologie environnementale et professeure de santé publique à l’école de médecine Mount Sinai de New York, avait attesté du «déclin significatif de la santé reproductive masculine» dans les pays occidentaux. Swan et son équipe avaient analysé les échantillons de sperme de pas moins de 42 935 hommes, originaires d’Australie, d’Europe et d’Amérique du Nord, sur une période allant de 1973 à 2011. Publiées dans la revue spécialisée Human Reproduction Update, leurs conclusions avaient rendu compte d’une «baisse de 50% de concentration spermatique» au cours des quatre décennies, passant de 99 millions de spermatozoïdes par millilitre, à 47 millions. Les chercheurs avaient associé de «manière plausible» cette chute considérable à de «multiples influences environnementales, notamment les produits chimiques perturbateurs endocriniens», omniprésents dans les pays industrialisés.

«Estimation minimale du risque»

D’autres travaux pointant l’altération du sperme ont depuis été réalisés, au Danemark, en Espagne, ou encore en Chine. Tous élaboraient l’hypothèse d’un lien avec des expositions chimiques de différentes natures. Parmi eux, l’étude effectuée dans la région de Wuhan en 2018. A la suite de leurs recherches, les scientifiques chinois avaient signalé un «déclin significatif» de la densité de sperme chez 9 357 donneurs, entre 2010 et 2015, «probablement lié à la détérioration continue» de la qualité de l’environnement. «En tant que ville la plus peuplée de Chine centrale, Wuhan constitue une partie importante de la zone économique le long du fleuve Yangtze, qui souffre d’une grave pollution environnementale, notamment de l’air, de l’eau, et des métaux lourds, peut-on lire dans leur compte rendu, publié dans la revue Asian Journal of AndrologyNous supposons que les polluants peuvent jouer un rôle central dans l’altération de la spermatogenèse humaine.»

Dans un rapport dévoilé en février pour lancer la «stratégie nationale» de lutte contre l’infertilité en France voulue par le gouvernement, «l’impact des facteurs environnementaux» avait été qualifié de «thématique majeure peu connue du public et des professionnels de santé». Le corédacteur du document, le professeur Samir Hamamah, responsable du département de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier, alertait dans Libération sur la nécessité d’ouvrir les yeux : «Le rôle des produits reprotoxiques, tels que les métaux lourds, les pesticides, les perturbateurs endocriniens, présents dans notre environnement quotidien, dans l’air, dans nos lieux de travail, notre alimentation, sans qu’aucun étiquetage n’affiche qu’ils sont reprotoxiques… Toutes ces choses vont altérer la qualité et la quantité du sperme de l’homme.»

Un consensus scientifique établit que des facteurs liés au mode de vie, tels que les troubles de l’alimentation, le stress et le tabagisme sont également déterminants sur la détérioration de la santé reproductive masculine. Conscients que les «causes de cette évolution inquiétante ne sont pas entièrement élucidées», notamment parce que le flou demeure quant à la responsabilité précise de chacun des facteurs sociétaux et environnementaux, les auteurs de l’étude parue jeudi n’en restent pas moins catégoriques sur l’impact majeur des polluants analysés. «Notre évaluation des risques liés aux mélanges de substances chimiques qui affectent la santé reproductive masculine révèle des dépassements alarmants des expositions combinées acceptables, concluent les scientifiques dans leur article. En raison du manque de données auquel nous avons dû faire face, cette évaluation doit être considérée comme une estimation minimale du risque.»

(SELON MSN)

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