Mohamed Ibn M’saib, ce poète-musicien de génie, est évocateur du nom d’un des plus grands poètes populaires en Algérie. Il est au panthéon des grands noms de la littérature populaire qui, au Maghreb ont laissé des œuvres de génie en matière de langue et de poésie à l’instar des poètes précurseurs en Algérie Said al-Mandassi et son disciple au Maroc Mesmoudi et d’autres dont la liste est très longue jusqu’au 20ième siècle. L’œuvre conçue pour la chanson du genre appelé à l’origine ‘’beldi’’ ou poésie du cru au lieu de ‘’haouzi‘’ désignée par l’historien et sociologue maghrébin Abderrahmane ibn Khaldoun sous le terme générique de ‘’aroud al balad‘’ (métrique locale) est un hymne à la langue dialectale et à la chanson citadine. La naissance du ‘’ beldi’’ est un grand moment de la culture en Algérie. Il est un type de beauté à la fois poétique créé essentiellement pour la musique.
Mohamed Benm’saib est un des producteurs dans ce genre qui a laissé un patrimoine prolifique de poésies chantées. Sa production, était, selon les historiens, estimée à prés d’un millier d’œuvres dont il reste à peine qu’une centaine réunies pour la première fois dans une anthologie publiée par le professeur Mohamed Bekhoucha. Le ‘’beldi‘’ ou ‘’haouzi‘’ est en somme un pur produit du génie de la langue parlée en Algérie. L’œuvre de Mohamed Benm’saib, jamais honoré, est sans doute la plus connue ayant fait le bonheur pendant des siècles à la fois des mélomanes et des interprètes anciens ou modernes. Les grands maîtres depuis Mohamed Sfindja, Menouar Benattou, Larbi Bensari… jusqu’à Cheikh Tetma, Maalma Yamna, Fadéla Dziriya, Cheikh Mohamed al anka, Hachmi Guerrouabi, Rédouane Bensari, Abdelkrim Dali, Nouri Koufi… se sont essayés à son œuvre composée de belles chansons connues telles ‘’al hourm ya rassoul Allah‘’, ‘’al kalb bat Sali oua -l- khatar farah‘’, ‘’mal habibi malou‘’, ‘’ya djirani dabrou aliya‘’,’’kif amali oua hilti’’, ‘’nari oua korhti‘’…
Chez Mohamed Ben m’saib appelé plus couramment ‘’Bna m’saib‘’ce poète de vieille descendance andalouse qui a été élevée à la sainteté par la mémoire populaire lui reconnaissant des prodiges après sa repentance il y a ce parfum de la langue parlée avec ses schèmes, son vocabulaire, son lyrisme, ses fantaisies… L’Algérie célébrera cette année le quatrième centenaire de sa mort. Son tombeau situé derrière le mausolée du grand métaphysicien du 15ième siècle Cheikh Mohamed Benyoussef Sanoussi célèbre métaphysicien auteur de la ‘’Akida‘’ malgré son état d’abandon continue à ce jour à susciter des visites .Ce poète et musicien du 18ième siècle qui a profondément marqué le patrimoine de la poésie et de la musique populaires en Algérie et dans le Maghreb est le produit d’un moment de grande fécondité littéraire et artistique avec la pléiade de producteurs tels Ahmed Bentriqui, Fqih Mohamed et Boumédiène Bensahla, Mohamed Bendebbah, Zaatan tilimsani… qui ont créé et enrichi cet héritage artistique collatéral ou voisin à la musique andalouse irrigué par la veine de poètes-musiciens du cru ancestral. Dans ce patrimoine légué puise encore les nombreux talents qui s’évertuent encore dans la chanson traditionnelle. La légende de Mohamed Ben M’saib et des autres grands poètes à besoin d’être connue pour mieux appréhender la vitalité culturelle de la société algérienne dans son rapport avec l’histoire et l’art. A propos de ces poètes nous retiendrons du livre Tlemcen, florilège de ses auteurs en tant qu’œuvre collective, cette réflexion : ‘’Nous ferons preuve d’ingratitude à leur égard si nous continuons à méconnaître leurs œuvres en tant qu’auteurs, tout en les exploitant dans l’anonymat, sous prétexte qu’elles appartiennent au passé sous la formule ‘’mina tourath‘’ telle l’expression employée pour occulter l’histoire par des maîtres plus soucieux à s’octroyer des titres qu’à protéger l’héritage de ce patrimoine poétique d’auteurs‘’.
Sara Boueche