Ysée, des enfants de chœur à Tony Allen, avec l’afrobeat comme remède

Trois ans après sa mort, la star du coupé-décalé ivoirienne est célébrée dans un ouvrage collectif et son itinéraire inspire une série télévisée scénarisée par l’écrivain Gauz et réalisée par Philippe Lacôte.

« Je suis passée d’une vie dans la rue à… manger du caviar, assise dans la loge de Johnny Hallyday. » Cette phrase, prononcée par Ysée, alias Audrey Gbaguidi, chanteuse d’origine béninoise qui, soit dit en passant, n’apprécie pas le caviar, résume parfaitement les montagnes russes que la jeune femme a vécues, tant personnellement que professionnellement.

La vie d’Ysée pourrait être un film américain, de ceux dont la fin est flamboyante. L’épopée est celle d’une enfant délaissée à la naissance, avec un don, sa voix, qui la conduira à des rencontres plus improbables les unes que les autres… et la portera finalement sur les plus belles scènes du monde, aux côtés de légendes de la musique, comme Tony Allen, ancien batteur de Fela Anikulapo Kuti.

Famille d’accueil

Pour comprendre Ysée, il faut d’abord revenir à Audrey Gbaguidi, née en 1988 en France, après une grossesse de sept mois seulement, au moment où son père diplomate et sa mère y font un voyage. Prématurée, l’enfant a une condition de santé dramatique qui fait hésiter sur son espérance de vie : elle a un poumon atrophié, un rein en moins et ce que les médecins estiment être une « maladie rare », qui ne cessera de changer de nom tout au long de sa vie. Passera-t-elle les trois mois? Rien n’est moins sûr.

Son père rentre au pays reprendre le travail et sa mère reste quelques mois, avant de faire de même, pour des questions de visa, expliquera-t-on à Audrey, bien des années plus tard. Cette dernière est placée dans la famille d’une tante, une sœur du père, qu’elle pense longtemps être sa mère. « Je vis mon enfance, à Draguignan [sud-est de la France], dans cette famille peu aimante. Alors que j’ai 6 ans, au détour d’une conversation avec une tante, j’apprends que la femme qui m’élève n’est pas ma mère. Cela me paraît vite évident, je ne fais pas partie de cette tribu-là, je n’ai jamais été la bienvenue. Je nourris l’espoir d’une famille, qui m’attend quelque part… mais personne ne m’appelle jamais, ni ma mère ni mon père. »

L’enfance d’Audrey est marquée par des allers-retours entre la maison et l’hôpital. Mais aussi par l’agacement de la famille à l’entendre chanter sans cesse. « Je découvre ma voix, je les énerve tous, remarque-t-elle. Un jour, je vois une chanteuse Disney à la télévision, je me dis : je veux être ça plus tard. Je me souviens avoir appuyé mon nez contre l’écran et m’être pris un coup de jus. Dans ma tête d’enfant, c’était comme si je m’étais connectée à cette destinée, ça a été un électrochoc.»

Cheffe de chœur de mère en fille

Les murs de l’immeuble sont fins ; une voisine entend Audrey chanter et finit par oser toquer à la porte. Elle s’appelle Madame Robert, et n’est pas là pour se plaindre du bruit mais pour demander à la famille de prendre la petite les mercredis après-midi afin de lui enseigner le piano et le chant. « Ma tante, qui dit non à tout ce que je demande, accepte cette fois-ci. » Commence alors une carrière de chanteuse à la paroisse du coin, avec Madame Robert. « Le samedi, je répète avec les vieilles de Draguignan, le dimanche, c’est spectacle à l’église », sourit la trentenaire.

 

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